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SPV Matzak – Pourquoi les jugements tardent- ils à paraître ?

Le 18 novembre 2019 à 18h les conclusions du rapporteur public étaient mises en ligne. Sans surprise il concluait au rejet. 
 
 
Le même rapporteur public récidivait  le 20 novembre en audience au Tribunal administratif de Lyon. Il proposait le rejet de la QPC déposée au motif qu’elle ne reposerait sur aucune base solide. De la même manière  il préconisait le rejet des demandes des agents et du syndicat
 
Ses conclusions réjouissaient la FNSPF qui déclarait dans sa lettre d’information n° 131 diffusée le 25 novembre 2019 : « Allant dans le sens des mémoires en défense des SIS, le rapporteur public préconise le rejet des demandes des requérants. Il considère que les SPV français ne sont pas des travailleurs, la législation française affirmant que l’activité de SPV repose sur le « volontariat et le bénévolat », écarte toute « discrimination » entre volontaires et professionnels placés selon lui « dans des situations différentes », et rejette la question financière comme étant sans objet. La FNSPF prend acte avec satisfaction de ces conclusions. »
 
 
A ce moment, toutes les personnes (fonctionnaire du Tribunal administratif, officiers supérieurs,….) se réjouissant d’un prochain rejet semblent avoir oublier trois choses :
 
 
  1. L’analyse des magistrats de la cour des comptes dans leur rapport de mars 2019 : « Si le sapeur-pompier volontaire est indéniablement un « travailleur » à qui les protections minimales de la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 doivent en principe s’appliquer, ce n’était pas là l’option défendue jusqu’à présent par les pouvoirs publics.  Il leur appartient désormais de tirer les conséquences de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 février 2018 qui a le mérite de révéler les ambiguïtés du modelé français« .
  2. La directive de 1993 puis celle de 2003 qui l’a remplacée, bizarrement tant décriée par les politiques est une directive visant à améliorer la santé et la sécurité des travailleurs au travail : « Les dispositions de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, restent pleinement applicables aux domaines couverts par la présente directive, sans préjudice des dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans celle-ci« (3ème considérant directive 2003/88).
  3. La Constitution française et plus particulièrement son article 88-1 : « 7. Considérant qu’aux termes de l’article 88-1 de la Constitution :  » La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences  » ; qu’ainsi, la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu’en l’absence d’une telle disposition, il n’appartient qu’au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l’article 6 du Traité sur l’Union européenne ;« . Décision du Conseil Constitutionnel DC n° 2004-496 du 10 juin 2004 JO 22/06/2004.

 

Malgré cela, malgré la plaidoirie de l’avocate, le rapporteur public et l’avocat du SDMIS se sont obstinés  en soutenant la thèse du rejet. Nous pensions alors que les jugements à paraître dans les 3 à 4  semaines à suivre, pourraient  aller dans le sens du rapporteur public. Il restait donc à attendre pour lancer les procédures d’appel. 

 
 
 

Mais voilà les jugements tardent à paraître, et la justice administrative est en congés jusqu’au début de l’année prochaine, date possible de la parution des jugements. 

 
 
 
 
Deux événements pourraient être la cause de ce retard inexplicable. 
 
En premier  lieu, le 19 décembre 2019, le conseil d’Etat publiait un arrêt sous les numéros 426031 et 428635 dans lequel il confirmait l’arrêt de la Cour d’appel de Nantes qui avait condamné le SDIS Loiret lequel avait imposé à ses sapeurs-pompiers professionnels logés un temps de travail annuel de 125 gardes de 24 heures (3000 heures) durant les années 2009 à 2013. 
 
Cet arrêt de Conseil d’État est intéressant bien que concernant des professionnels et qui plus est en gardes postées et non en astreinte. 
 
La Haute Cour a confirmé l’erreur du SDIS du Loiret ayant imposé un volume horaire de travail excédant les limites posées par la réglementation européenne. 
 
Dans ses développements basés sur une argumentation en droit européen elle rappelait pas moins de trois jurisprudence de la Cour de justice de  l’Union Européenne, dont le désormais célèbre arrêt Matzak : « 9. En deuxième lieu, en vertu de l’article 2 de la directive 2003/88/CE, le temps de travail est défini comme « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ». Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Ion européenne, notamment de l’arrêt du 21 février 2018 ‘C-518*15), Ville de Nivelles c/ Rudy Matzak, que le temps de garde qu’un travailleur passe à domicile avec l’obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de 8 minutes, laquelle restreint très significativement le possibilité d’avoir d’autres activités, doit être considéré comme « temps de travail ». Il en va donc ainsi des périodes d’astreintes que comportent les gardes assurées par des sapeurs-pompiers au cours desquelles ceux-ci doivent, même s’ils sont à leur domicile, se tenir en permanence prêts à intervenir« . Lire ci-dessous l’article de l’express.
 
 
En second lieu, la presse espagnole du 16 décembre 2019 relate que la Cour suprême a rejeté l’appel de la société Ambuibérica, concessionnaire du transport sanitaire en Cantabrie, et a ratifié la peine pour qu’elle paie les heures de dépassement de la journée ordinaire en gardes comme heures supplémentaires.

Le syndicat espagnol qui soutient les plaignant indique que c’est la première fois qu’un tribunal espagnol applique la jurisprudence Matzak.
 

Ces deux événements démontrent, comme nous le soutenons dès le départ que l’arrêt Matzak est désormais incontournable dans toute l’Union européenne.

N’y aurait-il qu’en France que certains soutiennent mordicus le contraire?
 
Comment peut-on encore prôner le respect des lois françaises et en même temps l’irrespect des lois européennes avec une Constitution française qui impose de les respecter?


Enfin, un troisième événement pourrait être responsable du retard de parution des jugements annonciateur d’un possible revirement (ou non) du Tribunal administratif de Lyon.

Il s’agit de la pétition déposée par SUD national en mai 2019. Le 30 octobre 2019, la Commission des pétitions du Parlement Europeen l’a déclarée recevable. Elle a demandé à la Commission Europeenne de procéder à une enquête préliminaire sur les différents aspects du problème, sur la base des informations que nous avons fournies.
 
 


Et peut être le premier pas vers une nouvelle mise en demeure de la France ?
 
Pour le respect de la directive « Santé sécurité au travail » (1993/104/CE -2003/88/CE), une nouvelle infraction serait alors le cinquième rappel à l’ordre de l’Europe, après ceux de 2002 pour retard transposition de la directive 1993/104, de 2012 pour les sapeurs pompiers professionnels, de 2013 pour les médecins en formation, et de 2014 pour la police, ces trois derniers étant des oublis ou mauvaises transpositions.
 

Quelque soit le contenu des futurs jugements, la reconnaissance du statut de travailleur aux SPV n’est donc qu’une question de temps. 

 

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